Sous l'oeil d'Hippocrate by Magro Marc

Sous l'oeil d'Hippocrate by Magro Marc

Auteur:Magro, Marc [Magro, Marc]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: First
Publié: 2014-12-14T23:00:00+00:00


L’usage des chaises

dans l’exercice médical

* * *

Commodités et incommodités

Dans Les Précieuses ridicules, Molière (XVIIe siècle) fait dire à Magdelon : « Vite, voiturez-nous ici les commodités de la conversation. » La chaise percée qu’on veut commode, confortable, idéale, est l’occasion, pour l’écrivain de comédies, d’appréhender l’objet pour en faire un sujet créatif, récréatif, un jeu métaphorique.

Le mot « commodités », n’est pas sans évoquer non plus l’euphémisme derrière lequel se cachent les chaises percées connues depuis l’Antiquité et dont on se serait servi aussi dans l’accouchement, lors de la délivrance pour faciliter l’expulsion du placenta. Au Moyen ge et à la Renaissance, la chaise percée est surtout courante comme lieu d’aisance ou pot de chambre. Si la défécation, au cours des siècles a connu ses lieux discrets et ses expositions publiques, il semble qu’au XVIIe siècle, le secret sur ses selles, en dehors du regard médical avisé, est à la discrétion de l’autre.

Les modèles de chaises percées du XVIe siècle, réservées à l’accouchement (chaises obstétricales) sont en fait de robustes fauteuils en bois, aménagés d’une large ouverture et munis de deux solides accoudoirs sur lesquels la parturiente peut s’accrocher puissamment. Démontable, et souvent entreposée chez la sage-femme, la chaise est la propriété de la commune ou de la paroisse. Il en existe en effet un exemplaire dans chaque commune rurale et dans chaque hôpital.

Malgré l’usage de cette chaise, bien ancrée dans les mœurs, François Mauriceau (1637-1709), médecin français, maître chirurgien, et premier accoucheur de la maternité de Paris, s’oppose radicalement à cette chaise et privilégie le lit pour l’accouchement. Il la juge incommode, inconfortable, et la déconseille vivement devant la fréquence élevée des déchirures périnéales. Cependant son utilisation obstétricale n’est que lentement abandonnée, d’abord dans les hôpitaux puis définitivement au début du XXe siècle.

Mauriceau a donné à l’obstétrique ses lettres de noblesse, il en a fait une spécialité à part entière. Aujourd’hui encore, une manœuvre porte son nom : technique ingénieuse qui, au cours d’un accouchement par le siège, permet de dégager la tête du bébé lorsqu’elle est bloquée dans l’excavation pelvienne (c’est la « manœuvre de Mauriceau »).

À la même époque, Herman Boerhaave, médecin, botaniste et chimiste hollandais, initiateur de l’enseignement au lit du malade, tente, par l’invention de la chaise rotative, de soigner la folie. Jusqu’alors, pour traiter les troubles mentaux, tous les végétaux, les minéraux, l’air, l’éther, l’eau, les sels, sont utilisés. Le lait de femme est bon pour les affections nerveuses. En cas de mélancolie, il faut chasser le mauvais sang. L’urine humaine est censée apaiser les vapeurs hystériques ou hypocondriaques. On parle d’encombrement des viscères, de bouillonnement d’idées fausses, de fermentation des vapeurs, de corruption des liquides et des esprits. On pratique des purgations. On donne des émétiques. On immerge le fou dans l’eau, des journées entières, pour le purifier. Dans cet éventail de traitements, Boerhaave vient ajouter sa chaise rotative. Il pense que les maladies de l’esprit naissent de « mouvements désordonnés » des tissus nerveux du corps et que la rotation peut corriger ce désordre.



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